Je fais du vélo à Puteaux

Le film à éviter cette semaine s'intitule...

« Une piste cyclable qui ne mène à rien »

Sorti en avril 2006, il n'est malheureusement plus visible dans les salles.

C'est donc sur Dailymotion que vous trouverez cette œuvre forte, dont la liberté de ton et la virulente dénonciation n'ont rien à envier aux pamphlets majeurs de Michael Moore :

http://www.dailymotion.com/video/x2b3q_une-piste-cyclable-qui-ne-mene-a-ri_fun

Attention ! Le visionnage de ce court-métrage est rude et je me dois d'avertir les spectateurs sensibles des images qu'ils vont découvrir.

L'œuvre en elle-même, d'une simplicité narrative déconcertante, se déroule à Puteaux (Hauts de Seine, France), autour de trois moments forts :

1. un long plan fixe préliminaire, qui campe avec brio le décor urbain où se déroule l'action :

  • à droite de l'image une barre d'immeubles,
  • au centre une chaussée pour la circulation automobile,
  • à gauche une piste cyclable visiblement placée sur un trottoir herbacé.

Cet ordre de lecture inversé, innovateur en diable, sème déjà une gêne diffuse chez le spectateur, qui n'est qu'au début de ses peines.

2. un déplacement aller sur la piste cyclable elle-même puis son pendant : le déplacement retour,

3. un dernier plan fixe sur la scène d'ouverture, en guise de conclusion.

Le tout est filmé d'un seul tenant, en caméra subjective, sans aucun artifice de montage.

 

 

Le propos du film ?

Dénoncer l'absurdité technocrato-écologiste ( à Puteaux ! ) qui a abouti à la création d'une piste cyclable au milieu de nulle part et, selon l'auteur du film, d'une inutilité flagrante. La thèse qui sous-tend le film est donc l'antienne connue de tous : « L'argent du contribuable est bien mal employé et ce petit film se fait fort de le démontrer ! ». Ah mais !

( Le plan fixe d'ouverture est à ce titre éloquent : durant trente interminables secondes, filmé à main levée, le réalisateur, tout comme le spectateur, guette le passage d'un véhicule, n'importe lequel, même avec moteur. Mais en vain. Hormis quelques piétons placides et la présence sonore de quelques oiseaux, rien ne viendra déranger la tranquillité des lieux)

S'enchaînent ensuite les séquences trajet aller et trajet retour, réalisées à pied, sur la piste cyclable elle-même.

Tournées en une seule prise, afin de démontrer la longueur ridicule de la piste : « A peine le temps de dire ouf et nous sommes arrivés au bout ! » commente, non sans malice, le réalisateur.

Moments d'autant plus parlants que d'autres commentaires viennent utilement préciser le contexte : « Ah ! Il y a deux piétons ! » « Alors il y a des arbres. Dans quelques années ils feront de l'ombre. »...

Cependant l'ironie mordante, et parfois retenue, dont fait preuve le dialoguiste laisse à penser qu'entre la gouaille dévastatrice d'un Jean-Pierre Mocky et la candide fraîcheur d'un Eric Rohmer - dont les influences sont ici évidentes - aucun choix n'a été véritablement assumé.

C'est le seul reproche que je ferai au film, par ailleurs digne de ce qu'on attend d'un Zorro de pacotille.

Enfin retour au point de départ, la boucle est bouclée,

( Hi ! Hi ! « La boucle est bouclée », il s'agit d'un piste cyclable, n'y a-t-il pas là une certaine habileté à suggérer la grande sœur, la Grande boucle ? )

La démonstration est faite : cette piste cyclable, plantée au milieu de nulle part, est absurde. Le média « citoyen » vient de nous en administrer la preuve, vive Internet, vive la République ! Vive la France !

 

Reste une question : si le bout de bitume filmé pendant 5 minutes et 13 secondes avait été baptisé trottoir, aurions-nous eu droit à tout ce ramdam indigné ?

L'opus II de cette œuvre, toujours en préparation mais attendu avec impatience, nous apportera sûrement la réponse.

 

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