*Crossing

Ma Marie,

Tu sais quoi ? Les tardives soirées d'hiver sont mauvaises conseillères...

Figure-toi qu'hier je naviguais un peu au hasard sur les blogs de Canalblog (en prenant cependant soin d'éviter comme la peste tous ces maudits blogs de scrap, tricot, couture, enfilage de perles et autres variétés de loisirs créatifs pour mamans trentenaires nostalgiques de l'école primaire et de ses célébrissimes colliers de nouilles de fêtes des mères) et je vois sur l'un d'eux une chatoyante vignette avec « Postcrossing » marqué dessus.

Tu connais mon intérêt pour tout ce qui est croisement, surtout si c'est délicatement leste et délicieusement contre-nature, j'ai même écrit un billet là-dessus (un billet tous publics, faut faire gaffe quand même) alors je me suis dit « Tiens ! Du Postcrossing ? Mais qu'est-ce donc ? »

Alors je clique sur le lien et j'atterris sur un site remarquablement Web 2.0.

Comment ? Qu'est-ce qu'un site Web 2.0 ? Ben c'est tout le contraire d'un site Web 0.2, ceux qu'on faisait dans le temps avec des horribles gifs animés sur fonds de pages texturées qui rappelaient les horribles papiers peints des années 70. Oui, il y a dix ans on décorait ses sites web comme on n'osait plus tapisser ses murs il y a quarante ans.

Donc un site Web 2.0 c'est frais et léger comme du Jockey sorti du frigo et c'est plein de couleurs douces et acidulées comme celles des bonbons Regalad.

Il y a aussi une philosophie sous-jacente au Web 2.0 m'a dit une fois mon pote informaticien. Mon Dieu qu'il m'a fait rire ce jour-là ! L'informatique qui ferait de la philo... Bernard-Henry L. peut aller se rhabiller !

La philosophie c'est l'interaction avec l'internaute. Bon, je ne vais pas te faire un cours Marie, mais sache qu'il est question d'Ajax et de contenu utilisateur. Oui, comme quand on est devant l'évier et son contenu à récurer, si tu veux.

Alors le PostCrossing c'est un truc qui tend à se réapproprier la matérialité des échanges entre individus. Tu vois, dis comme ça, tu quittes le café du commerce et tu entres de plain-pied dans le philo-comptoir. Trois pas à faire pour retrouver les mêmes, quoi.

Mais en clair, Postcrossing Web 2.0 : tu envoies des cartes postales à des gens que tu ne connais pas (mais que le Web 2.0 connait) et quand ils les reçoivent, ces gens que tu ne connais pas le disent au Web 2.0.

Et comme tu as bien envoyé tes cartes, le Web 2.0 donne alors ton adresse à d'autres gens que tu ne connais pas pour qu'ils t'envoient des cartes postales à leur tour.

Et quand tu les reçois, tu le signales au Web 2.0, qui donne alors des adresses au hasard à ces gens que tu ne connais pas, et ainsi de suite.

Ces gens que tu ne connais pas, ils sont dans le monde entier puisque le Web 2.0 est mondial (c'est la mondialisation 3.02), alors tu reçois plein de cartes postales du monde entier.

C'est vachement chouette tu vois, tu peux te faire un mur de cartes postales et faire bisquer tes amis en disant que là c'est tous les endroits du monde que tu as visité quand tu n'étais pas chômeur et que tu avais assez de salaire, de RTT où d'actions Total pour profiter de la vie (qui vaudra toujours mieux que leurs profits, tu sais bien).

C'est drôlement Trendy 1.4 le mur de cartes postales, j'en ai vu dans des films américains.



Alors je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? » Et je me suis inscrit !

Et j'ai demandé quelques adresses où envoyer des cartes postales.

(oui, parce que le Web 2.0 respecte la vie privée des gens et ne pioche pas les adresses au hasard dans l'annuaire mais au hasard parmi les gens qui sont volontaires pour jouer le jeu)

J'ai donc eu cinq adresses.

J'étais donc en attente d'envoyer mes cartes.

Et c'est là que j'ai commencé à réfléchir...

D'abord je suis allé exhumer un stock de cartes postales obtenues gratuitement à un salon où standait une obscure officine régionale de promotion touristique. Je les avais eues en faisant du gringue à l'exposante et en profitant de sa méconnaissance totale des rouages administratifs (les mêmes qui régissaient pourtant son officine). Je me suis fait passer pour un N+4 aussi inaccessible qu'incontournable, d'une région voisine, qu'il fallait donc cajoler au cas où je serais quelqu'un d'important. C'est la France éternelle, ça décapite des princes et des rois mais ça reste néanmoins pleutre ou courtisan dans l'âme.

Quant à l'officine, ça lui apprendra à ne pas briefer les stagiaires qu'elle recrute pour animer les stands à pas cher.



Mais revenons à PostCrossing.

J'ai donc sous la main une série de vues choisies pour leur haut intérêt touristique, mais surtout choisies pour ne froisser aucune sensibilité locale. Rien qui décoiffe donc.

Et se pose le choix délicat de celles à envoyer...

C'est que, en m'inscrivant sur ce site, je deviens un peu ambassadeur d'une certaine idée de la France tout de même ! Je ne sais si les services de Citizen K (tu sais, celui qui vitupère les accusations dont il n'a jamais été l'objet http://www.marianne2.fr/Ce-qu-a-vraiment-ecrit-Pierre-Pean_a174727.html) fera un geste pour le rayonnement du pays, mais moi oui !

Alors j'ignore si j'envoie les cartes passe-partout ou celles qui font preuve d'un minimum d'originalité. C'est qu'il y a une nord-américaine, une finlandaise, une hollandaise, une chinoise et une allemande dans les destinataires

(oui, que des nanas. Peut-être que le scrapbooking est tellement passé de mode là-bas qu'elles se cherchent une autre occupation. Et leurs mecs doivent avoir mieux à faire)



La deuxième question c'est : « Mais combien ça va me coûter tout ça ? »

« Heureusement qu'il y a un affranchissement réduit « Carte Postale », me suis-je dit.

Je suis quand même allé vérifier et... il n'y en a plus !

Le tarif réduit pour cartes postales c'était à l'époque de La Poste Service Public 0.001.

Maintenant c'est soit envoi international plein-pot, soit envoi international demi plein-pot mais avec « franchise de poids » tellement pas intéressante que le tarif économique coûte plus cher que le plein tarif !

(Faudrait quand même que je demande à Olivier B. s'il n'y a vraiment plus de tarif Carte postale. Il a ses entrées à La Poste, il pourra sans doute me renseigner)

Bref, si j'envoie cinq cartes, ça me coûte deux journées de bouffe !

(Oui ma Marie, on peut largement faire quatre repas pour 8 euros. Faut pas le dire trop fort, ça va casser le moral des bénévoles des Restos du cœur)



Mais pourquoi je ne réfléchis pas avant ?



Alors comme il me fallait des sous, je suis sorti encore une fois pour aller chercher du travail. En vélo. Je n'ai plus de voiture depuis longtemps et de toutes façons Mme Lagarde nous avait soufflé la solution du vélo pour lutter contre la crise et le coût des carburants.

Manger peu et faire de l'exercice beaucoup, voilà le secret de la forme ! Le chômage est une bénédiction contre le syndrôme dysmétabolique.

Comme à Cuba, où il n'y a pas trop de problèmes d'obésité paraît-il. Mais là-bas c'est un régime communiste. C'est pas la bouffe qu'ils ont en plus, c'est l'électricité je crois.



Mais envoyer des cartes postales... Tu parles d'un loisir de riche !



Comment Marie ? Pourquoi je ne t'envoie pas des cartes postales à toi ?

Ben... Encore aurait-il fallu que tu me donnes autre chose qu'une simple adresse e-mail pour t'écrire !